Les fêtes de fin d'année approchent. Je les redoute. Tout aurait pu être si bien, tout n'est qu'absence. Mon ami revient, mon complice des rires, mon épaule. J'ai hâte qu'il soit là ! Il saura une fois de plus trouver les mots et nous nous amuserons comme avant. "Avant"... Il me semble que depuis que tu es parti, je ne vis qu'à l'imparfait.
Je marche, perdue dans la foule. J'aimerais te voir apparaître parmis ces visages inconnus. Il me semble que la solution nous éblouirait, que l'élan serait trop fort. Mais, je sais aussi le froid de l'appartement lorsque je rentrerai. Je sais les heures sourdes. Je sais l'ennui. Je sais le creux. J'apprends la définition de l'absence, ce mot qui rime avec présence ou abondance, qui pourrait leur ressembler, mais qui n'a qu'un frère, le mot "solitude". J'apprends la vie sans toi. Sans ta voix, sans ton rire, sans tes mains sur moi. J'apprends le temps. Le temps qui ne passe plus. Le temps figé. Je pense à avant, je pense au temps ou j'avais encore du sang.
Lorsque nous nous sommes rencontrés, que j'ai commencé à mieux te connaître, j'imaginais l'éventuelle amitié possible. Des portes s'ouvraient. J'étais bien. Je t'aimais déjà sans doute, sans même le savoir.
Comme je ne t'aimais pas lorsque nous nous sommes connus : ta voix trop forte, tes idées trop sures ! Quelle force a pu changer ainsi le cours de mes pensées ?
D'aussi loin que je me souvienne, du fond de mes songes d'adolescente, je rêvais d'un amour fort, qui me porte, me soulève et me déchire. J'avais peur de ces amours lisses, sans heurts. Je redoutais ces couples qui peu après s'être rencontrés s'installent dans un bel appartement, vont choisir le joli tapis qui ira si bien dans le petit salon et font un enfant, parce que c'est dans l'ordre des choses. Je voulais tout : le bonheur à crier, la rage, les sanglots.
Je n'aurais jamais dû te connaître. Le plus intolérable dans l'amour, c'est le moment où vient le regret d'avoir rencontré l'autre. L'autre... Mais, quel autre ? Celui de quelques nuits de plaisir ou bien celui échappé d'un livre de contes pour enfants ? Je ne saurais dire aujourd'hui celui que tu as été.
